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Journal d'une agrégative
14 mai 2015

Qui a peur du méchant prof ?

Hier, après la classe, je suis rentrée profondément déprimée. J'ai fait quelque chose que je m'étais promis d'éviter : j'ai menacé mes élèves de les punir.

 

Je m'étais préparée à devenir une prof bienveillante. Ras-le-bol des heures de colle et des punitions ; je souhaite que mes élèves se comportent bien, c'est à dire que le volume sonore de la classe doit rester assez bas pour que je puisse être entendue sans parler excessivement fort. Lorsque je dois forcer, c'est que les bavardages sont trop nombreux, et je le fais remarquer à mes élèves. Je ne suis vraiment pas connue pour être un professeur permissif, mais en l'occurrence les"petits" bavardages ne me gênent pas. Je ne me souviens que trop vivement de leur importance.

Avant de reprendre, j'avais pris une grande décision : je voulais amener mes élèves à s'autoréguler, à adopter un comportement acceptable, non pas par peur de ma réaction mais parce qu'ils estimaient que c'était la bonne chose à faire. Je voulais faire appel à leur civisme plutôt qu'à leur peur.

J'ai donc lu ce livre très intéressant, qui montre les limites des punitions mais aussi des récompenses, et qui donnait des pistes pour les éviter :

 

gordon

Je suis arrivée en classe armée de patience, de fleurs de Bach et de jolis principes.
J'ai adressé aux élèves des "messages JE" : "Lorsque vous parlez entre vous, je ne peux pas travailler efficacement", "Lorsque vous arrivez en retard, je suis obligée de m'arrêter et cela coupe mon cours". Cela a étonnamment bien fonctionné ... Pour un temps ! Durant cinq ou dix minutes, j'avais la paix et j'en étais ravie. Puis, les bavardages reprenaient, et au bout d'un temps, je perdais patience, et mon joli "message JE" se transformait en "NON MAIS FAUT QUE JE VOUS LE DISE COMMENT, MINCE A LA FIN, VOUS NE POUVEZ PAS CONTROLER VOTRE BOUCHE CINQ MINUTES, C'EST POURTANT FACILE, POUR NE PAS PARLER IL SUFFIT DE GARDER SA BOUCHE FERMEE !"

Voilà, voilà ...

Je précise que dans mon refus de punition, je n'incluais pas  les appels aux parents, les travaux de style lettre d'excuse ou les mesures de réparation ; je n'ai pas eu à y recourir, puisque je n'ai pas été confrontée à des situations qui le justifiaient. Appeler les parents d'un élève pour des bavardages me semble dans la plupart des cas un peu excessif. J'ai donc des élèves sympas, mais bavards, et aucun moyen entre le "message je" et l'appel à la maison.

Un autre problème a été mon arrivée en cours d'année. J'ai bousculé des habitudes déjà établies, et j'ai dû paraître faible ; d'autant qu'un élève de 3e m'a dit, parlant de la fessée : "si on l'interdit, comment les parents vont se faire respecter ?" - il y avait donc sans doute des attentes quant à mes réactions.

Enfin, les autres membres de l'équipe éducative punissent ; encore une fois, je suis ici l'original, et par conséquent, dans les yeux d'élèves à un âge où l'on est en recherche de repères, où l'on "trie" les informations, le maillon faible.

 

Hier, donc, j'étais fatiguée, lasse, je n'avais pas envie de crier, et j'ai eu recours à mon ancien système : j'ai informé mes élèves en début d'heure qu'au bout de trois remarques, ils devraient recopier un passage (assez long) du livre que nous étudions. En 6e, je suis allée jusqu'à écrire les noms au tableau, et à mettre une barre à côté à chaque remarque.

Personne n'a été puni dans deux classes, un seul dans la troisième, et il a ainsi tenu le rôle du bouc émissaire. J'ai eu droit à des cours calmes, mais les élèves participaient.

Et je n'ai pas crié.

Je me suis sentie frustrée : je n'avais pas su tenir mon objectif. Et pourtant, à choisir, qu'est-ce qui est plus humiliant : se faire crier dessus, ou voir son nom écrit sur un tableau ? Mes élèves, en tout cas, semblaient répondre favorablement à mon propre calme, puisqu'ils ont néanmoins été très actifs durant la séance.

Alors, la bienveillance, est-ce simplement ne pas punir ?

Est-ce que ma voix calme est le meilleur moyen de tenir les élèves ?

Est-ce mon calme ou la  menace qui a fonctionné ?

Est-ce que cela a fonctionné parce que cela leur semblait nouveau ?

Est-ce qu'ils avaient ainsi davantage de repères ?

 

Je ne sais pas comment je ferai dorénavant ; je continuerai peut-être pendant un moment à appliquer ce système ; peut-être que je pourrai y renoncer progressivement. Peut-être est-il possible d'amener les élèves à s'autoréguler en leur montrant de façon visuelle leurs transgressions, par exemple au moyen de barres à côté de leur prénom ?

Je chercherai des réponses dans les semaines, les années sans doute, à venir.

 

Et toi, professeur confronté aux bavardages, comment réagis-tu ? Où se situe la limite pour toi ? Quelles mesures emploies-tu pour calmer les élèves, les ramener au travail ?

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Commentaires
E
Salut, Merci pour ce regard juste, posé sur une réalité que chacun vit croyant qu'elle n'est que sienne et donc développe inutilement un sentiment de culpabilité... Pour ma part je suis remplaçant et j'ai réalisé que mon concurrent direct est Jean Luc Reichmann ou Cyril Hanouna... alors "j'essaye" en ce moment de dépenser le moins d'énergie possible pour l’obtention de la discipline et le plus possible dans ma façon de formuler mon cours et de susciter donc l'intérêt par la diffusion d'une énergie positive. J'ai souvent l'impression que si ils "zappent" et bavarde entre eux c'est que l'emission-cours ne les divertis pas assez...ce sont des générations aboutis de notre belle société du spectacle non ?<br /> <br /> En tout cas, je ne peux que t'encourager vivement à alimenter ce blog par tes pensées, expériences et résultats. Merci d'avance.
A
sALUT J'ai trouvé ton message en tapant "Ras le bol d'être prof"<br /> <br /> J'en suis à ma 6eme année de contractuel en maths. <br /> <br /> J'ai des élèves qui bavardent aussi, mais bien que je m'énervais au départ et j'essayais comme toi de faire appel à leur sens de l'auto motivation, j'ai constaté que c'était peine perdue car ils ne sont pas la projection de ceux que nous étions ado ni même capable de se mettre dans notre tête. Les élèves sérieux parviennent comme ils peuvent à travailler dans cette ambiance. Ensuite pour la fin de l'année , j'ai résolu de ne plus répondre à leurs sollicitations en tout genre et agir de manière stoique . Ca va être dur mais on nous dit "Désormais" de prendre soin de nous d'abord. <br /> <br /> Que le monde devient triste. On ne peut plus rien leur proposer de sympa car ils pensent mieux savoir et avoir plus que des profs aux salaires de misères. C'est l'image qui prime pour beaucoup d'entre eux et plus l'estime de la connaissance. <br /> <br /> Adele
Journal d'une agrégative
  • Après 5 années, je peux enfin me présenter à l'agrégation interne. C'est parti pour quelques mois de lecture intense, de dissertations, de didactique ... Tout ça avec deux enfants à la maison. google3c5a1e83a6320d52.html Même pas peur.
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