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Journal d'une agrégative

18 novembre 2015

Drancy, après le 13 novembre

Il y a eu le vendredi, dernier jour de cours.

Il y a eu "Bon, vous vous mettez au boulot maintenant, j'en ai assez d'entendre mes collègues se plaindre de vous !"

Il y a eu "Bonne journée, bon week end"

Il y a eu "Bon week-end madame !"

Il y a eu une soirée tranquillou à la maison.

Il y a eu une notification sur Facebook.

Il y a eu l'horreur.

Il y a eu un week-end froid, plein d'angoisse, plein de questions.

Il y a eu le lundi matin.

Il y a eu le métro pris dans une drôle d'ambiance.

II y a eu "On a peur !"

Il y a eu "Moi je voulais juste regarder la finale de Secret Story, et là, je vois l'alerte info."

Il y a eu "Mais pourquoi ils font ça ?"

Il y a eu "C'est à cause de François Hollande !"

Il y a eu "Mais vous ne pensez pas que c'est plus une question politique que religieux ?"

Il y a eu "Mon cousin était au stade de France et moi j'étais au cinéma juste à côté, et mon père tout à coup il a eu un message, il m'a dit de me dépêcher, on est rentrés"

Il y a eu "J'étais à la Tour Eiffel avec mes parents et soudain des policiers sont venus et nous ont dit de nous regrouper sous la tour Eiffel, des gens ont eu peur et sont tombés dans les pommes."

Il y a eu des rumeurs de bombes nucléaires.

Il y a eu "Mais c'est bon, on dirait c'est la fin du monde, il y a eu 129 morts, chez nous en Syrie c'est tous les jours, tous les jours il y a des gens qui ..."

Il y a eu des larmes. 

Il y a eu mes larmes. 

Il y a eu moi, posant la main sur le bras de l'élève qui sanglotait. 

Il y a eu une minute de silence. 

Il y a eu Samy Amimour. 

Il y a eu "ça vous angoisse qu'un Drancéen soit impliqué ?"

Il y a eu un regard de dédain : "Non. En fait, ça me déçoit."

Il y a eu de l'amour pour mes élèves. 

Il y a eu "FLVCTVAT NEC MERGITVR" , en latin s'il vous plaît !

Il y a eu "Bon, on lisait le texte d'Ulysse affrontant le cyclope ... On a peut-être eu notre dose de sang, on passe à autre chose ?"

Il y a eu "Je suis triste, madame"

Il y a eu des larmes, encore, mais cachées.

Il y a eu "On fait quoi alors ?"

Il y a eu "Est-ce que c'est la guerre ?"

Il y  a eu des propos confus.

Il y a eu "On va reprocher ça aux musulmans"

Il y a eu des rires.

Il y a eu des regards inquiets en entendant des sirènes de police. 

Il y a eu un sursaut en entendant une perceuse. 

Il y a eu des sorties annulées. 

Il y a eu une ambiance pesante, des collègues avec des cernes, de la colère. 

Il y a eu des plaisanteries, un peu. 

Il y a eu des appels de parents. 

Il y a eu de la peur, beaucoup de peur. 

Il y a eu une dictée, et il y aura des notes.

Il y aura un nouveau vendredi.

Il y aura la suite.

Il y aura des questions, sans réponses parfois.

Il y aura des coeurs qui battent.

Il y aura des bagarres dans la cour, il y aura des punitions.

Il y aura des rires.

Il y aura des kilomètres de parcourus dans les couloirs, dans les salles, dans la cour.

Il y aura d'autres attentats, sans doute, et des moments difficiles.

Il y aura, un jour, des sorties, et en attendant il y aura des films au collège, des expositions virtuelles, des histoires racontées.

Il y aura, pourquoi pas, un jour (plus tard, plus tard, quand ils en auront l'âge) un verre pris en terrasse.

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18 novembre 2015

Ama

Aujourd'hui - allez savoir pourquoi - ma fille m'a posé des questions sur mes grands-parents.

Ils étaient allemands. Les enfants allemands appellent leurs grands-parents "Oma" et "Opa". Mais pas nous. Nous, on leur donnait les noms les plus doux du monde : "Ama" et "Apa".
Ma grand-mère .... Ama. Ama, en italien, signifie "il aime", "elle aime", "aime" ... Mais ça, on ne le savait pas. Pour nous c'était notre aimante grand-mère, notre grand-mère coquette, toujours à son avantage sur les photos. Notre grand-mère qui pleurait à chaque fois qu'on se quittait.

Notre grand-mère qui nous racontait des histoires.

Apa racontait le Petit Chaperon Rouge, Le Loup et les sept chevraux, Hansel et Gretel. Ama racontait son enfance. Ses espiègleries, ses tendres souvenirs avec ses propres grand-parents, ses cousins qu'elle admirait, ses amis, les pamplemousses découverts sur un marché lors d'un voyage et la déconvenue en y goûtant et en les trouvant plus amers que les oranges.

Quelle que soit l'histoire qu'elle racontait, invariablement, la fin était la même, avec des larmes dans la voix  : "Et puis, il y a eu la guerre".

Non.

 

C'est inexact.

"Und dann kam der Krieg" : "Et puis, la guerre est venue". Oui, à mon esprit de petite fille, la guerre était un monstre qui grossissait et rampait vers le village où ma grand-mère avait grandi, projetant d'abord son ombre, puis l'engloutisssant.

Parfois, elle continuait  : les bruits des canons qu'on prenait pour un orage, le soldat russe qui pointa son arme sur elle, la fuite, elle naïvement pliant des vêtements et son père plongeant le bras dans l'armoire et emportant tout ce qu'il pouvait. La maison, abandonnée. Sa mère, malade, sans médicaments, délirant.

J'ai grandi avec ça. J'ai grandi avec l'idée que la guerre c'était l'enfer. Pire que l'enfer. J'ai eu, enfant une peur panique des soldats. Je déteste, aujourd'hui encore, les avions de chasse, je les déteste à en trembler. Les sirènes du mercredi me remplissent d'effroi, tous les mois.

Je me demande, en voyant les documentaires sur la seconde guerre mondiale (notez bien que je dis "seconde"), comment quiconque a pu y survivre, a pu survivre à tant d'horreur, à ces bombes, à ces soldats devenus inhumains à force d'être exposés à l'horreur.
Et pourtant, je le sais, l'horreur est devenue quotidienne, et on a sans doute dû s'y habituer. Mon père (c'est un vieux monsieur, mon père) a fait la guerre. Côté allemand. Dans l'aviation. Il a été fait prisonnier. Il m'a dit qu'on ne s'habituait pas, mais, bah, c'était comme ça. Il n'en dit rien de plus.

Ni mon ressenti, ni le témoignage pudique et tronqué de mon père, ne m'aident.

Je lis le mot "guerre" douze fois tous les jours. A chaque fois, il me glace.

Sommes-nous en guerre ? Ça ne veut pas s'inscrire dans mon cerveau. Non, pas nous. Non, pas nous ?

"J'ai quinze ans et je ne veux pas mourir" - j'ai lu ce livre au collège. J'en ai 34 et je ne veux pas mourir. Je veux voir grandir mes enfants. Je ne veux pas qu'ils grandissent dans l'angoisse. Je veux qu'ils soient insouciants. Je ne veux pas imaginer ce qui pourrait leur arriver. Je veux manger en terrasse avec eux, comme ma fille me l'a demandé cet après-midi.

Je ne veux pas qu'ils connaissent le bruit des sirènes.

Evidemment, oui, comme toi. Evidemment que c'est des paroles de bien-pensant, qui voudrait autre chose, qu'il ait des enfants ou non ? Et pourtant, il faut bien etc etc .... 

Et donc ? Elle est où la solution ? Dans le lâcher-prise, sûrement. A mon niveau, je veux dire.

On va continuer de vivre, on va avancer aussi loin qu'on le pourra sur ce chemin de l'insouciance. J'espère n'avoir pas à le quitter.

Insouciance et souci de l'autre. Je crois que ce chemin-là me plaît.

De toute façon, je ne cherche pas de solution, là. Je tenais juste à coucher sur le papier - à graver sur l'écran, ces pensées que ma fille, ma merveille, a fait naître en moi. Ces pensées que je ne lui ai pas révélées, mais qui me hantent au travers du souvenir d'un sourire coquet, où brillait pudiquement une dent en or, du souvenir d'un regard "couleur de biche", comme elle disait, du souvenir d'une voix appliquée qui, parfois, tremblait, émue par la profondeur d'une âme slave, d'une âme sensible, d'une âme d'éternelle enfant.

 

 

15 novembre 2015

Ils ont volé mon soleil

Nous sommes le 15 novembre, un soleil radieux illumine Paris. En novembre, c'est rare, ça ne durera pas : il n'y a qu'une chose à faire, en profiter, sortir, aller au parc, courir, prendre un verre en terrasse, se gorger de ces rayons qui nous manqueront cruellement pendant les mois de grisaille.

Je vois ces gens qui rentrent du marché, je suis heureuse de les voir, rassurée de voir la rue s'animer, mais aussi, je les envie.

Je suis incapable d'en faire autant.

Je suis blessée, je suis choquée, je ne suis pas courageuse. Mes pensées tournent autour de l'horreur du vendredi 13. Qui sont ces hommes ? Pourquoi ? Où aura lieu la prochaine attaque ? Pourquoi ? Sommes-nous en sécurité ? Sommes-nous en sécurité chez nous ? Pourquoi des humains font-ils ça à des humains ?

Des questions que je sais naïves. Mais elles tournent en rond dans ma tête.

Je n'ai pris aucune part à ce qui s'est passé. J'ai tweeté, j'ai relayé des infos, mais je n'ai accueilli personne, étant trop loin des lieux bouclés (j'entendais tout juste les sirènes), je n'ai pas donné mon sang, je n'ai pas aidé, je n'ai rien fait, j'ai été inutile et happée par le flux des infos, j'ai été incapable de bouger. J'ai passé le week-end à rire bêtement de blagues déplacées, pour évacuer mon angoisse.

Je suis parisienne depuis 15 ans, je connais la rue de Charonne, le Bataclan, le Petit Cambodge, le Carillon, j'ai la chance incroyable de ne connaître aucune victime personnellement. Par plusieurs miracles.

Je n'y peux rien, j'ai peur.

Peut-être faut-il se donner un coup de pied aux fesses et sortir, braver sa peur. Quitte à courir au premier bruit. Peut-être faut-il être fataliste. Peut-être faut-il faire comme les Londoniens qui durant la seconde guerre mondiale, bombardés tous les jours, sortaient, tous les jours.

J'admire tant les "Parisiens mobilisés" - je serai peut-être des leurs, un jour, mais pas aujourd'hui. J'ai eu besoin de sentir la douleur, l'angoisse folle, la colère - l'espoir fou aussi, de ne pas perdre ce qui reste de fraternité ... J'ai eu besoin d'un cocon aussi, de me sentir, un peu, juste un peu, dans une bulle.

Demain, je me lèverai, j'emmènerai ma fille à l'école, et j'irai retrouver mes élèves, je chercherai des mots, j'écouterai les leurs. Il y en aura sûrement, il me faudra les accueillir, il me faudra paraître forte. Il me faudra donner de la force.

Le soleil est couché, on verra tout cela demain : je suivrai mes élèves. Nous parlerons s'ils ont besoin de parler, nous écrirons s'ils souhaitent rendre un hommage, nous travaillerons s'ils ont besoin de passer à autre chose.

La cynique prof de latin en moi est prête à travailler sur la devise Fluctuat nec mergitur.

Je suis prête à improviser, et j'ai la sincère conviction qu'en écoutant les élèves, on ne peut que bien faire.

Mais le soleil est couché, et j'ai passé la journée à panser mes plaies, à penser à l'horreur, à peser les informations. Je suis en colère, j'ai arrêté de vivre aujourd'hui à cause d'eux.

J'ai raté, peut-être, le dernier doux dimanche de l'année.

Ils ont volé mon soleil.

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8 septembre 2015

Ils étaient des milliers, ils étaient vingt et cent ...

Evidemment. Il fallait que j'en parle.


Comme beaucoup, j'ai été touchée par cette photo. Vous ne demandez pas laquelle, bien sûr. Celle devant laquelle on ne peut pas, on ne peut pas, à moins de ne pas avoir de cœur, rester insensible. Celle qui a fait mal à mon cœur de maman, à mon cœur d'humaine. Je vois mes enfants allongés là, à sa place. J'imagine ses derniers instants, l'incompréhension, la panique. Je me dis que sa mère a bien de la chance d'y être passée aussi, et que son père doit vivre l'enfer.


Je ne savais pas à quel point il est difficile de voir un enfant mort, un enfant qui a l'air de dormir, un enfant à qui on a envie de dire en riant de se lever, qu'une vague va venir l'embêter ! Un enfant dont le nom me hante. Dont le sourire, que j'aurais préféré ne pas voir, m'a brûlé la rétine.

Je ne savais pas qu'une photo pouvait m'empêcher de chanter - c'est ridicule, je sais - « Bateau sur l'eau ». C'est au-dessus de mes forces.


Bien sûr, il suffit d'avoir un cœur pour s'émouvoir de ces images. Un cœur, pas de cerveau. Les gens qui ont un cerveau s'emparent de cette photo à diverses fins : réfléchir à ce qui doit changer, ou réfléchir à comment s'y prendre pour que rien ne change au contraire ! Ceux qui ont un cerveau détraqué, eux, cherchent à démontrer à quel point cette image manipule ceux qui ont un cœur.

 

Pendant ce temps, je suis basique, moi. Je me demande … Parce qu'au-delà du drame, au-delà d'Aylan Kurdi, ce qui est en jeu c'est bien le « problème des migrants ». La photo illustre bien le corps d'un petit être humain, mais, à plus grande échelle, a pour fonction de créer une onde de choc.

 

Je me demande donc.

 

Que faire ?

 

Mais non, pas pour eux, pas pour les accueillir, pas forcément. Pas pour les dissuader de monter dans un bateau, évidemment non !

Mais pour les rattraper.

 

Si je devais me résoudre à fuir mon pays, parce que des fous dangereux mettent ma vie et celle de mes enfants en danger, de quoi aurais-je besoin ? J'aurais besoin qu'on me rattrape. Qu'on me tende les bras, littéralement, qu'on me serre fort, qu'on me dise que c'est fini, que je suis en sécurité, qu'il ne pourra plus rien m'arriver. C'est basique, et je pense que c'est ce qui ferait du bien à n'importe qui.

 

Si, maintenant, en plus de quitter mon pays où je suis en danger, je prends sur moi le danger supplémentaire de monter à bord d'un bateau surchargé, qui risque à tout instant de chavirer, si je m'embarque au péril de ma vie, parce que chez moi la vie n'est plus possible, n'est littéralement plus possible (parce qu'on ne prend pas ce risque, pas avec des enfants, si on ne risque pas de toute façon déjà la mort) - alors j'affronte quelque chose d'inimaginable pour les personne qui me recevront. Ceux qui me tendront les bras, qui me diront que tout va bien, que tout est fini. Est-ce que je les entendrais encore ? Ou serais-je passée de l'autre côté ? Pourrait-on calmer le mal qui m'a été fait ? Ou serait-ce trop tard ?

Honnêtement, je ne sais pas.

Mais imaginer traverser tout ça, pour arriver dans un pays où l'on dit que je suis potentiellement une terroriste, qu'on ne peut pas me garder, que je ne peux pas VIVRE là, non plus … Je crois que c'est le comble du désarroi.

 

Les mots me semblent si faibles.

 

Je pense à ces autres boat people que nous avons accueillis il y a quelques années. Je pense à ces enfants qui arrivent illégalement, à ceux qui sont en centre de rétention, et qui ne vont pas )à l'école. Si on les accueillait ? Si on les éduquait, à l'école de la République ? Parce que, si clairement les réfugiés, les « migrants » ne sont pas tous des terroristes, qu'en est-il d'un enfant qui se construit en étant de toutes parts exclu ? Ne vaudrait-il pas mieux le contenir, l'accueillir, lui permettre d'exprimer sa peur, sa colère, et l'aider à participer à la construction d'une société où il prendrait sa place ?

 

Voilà, mon billet est juste pétri de bonnes intentions. Je n'ai pas de solution. Je ne sais pas quoi proposer. Je ferai de petites choses, des dons matériels, pour commencer. Peut-être trouverai-je du temps à donner, aussi. J'aimerais tant.

 

Et en attendant, je porte moi aussi le deuil d'Aylan, de lui et de tous les autres.

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7 septembre 2015

C'est la rentrée !

Bon ... C'était il y a une semaine. Mais nous sommes encore dans la période de rentrée scolaire, qui sent bon les nouveaux livres et les fournitures scolaires, où tous les élèves ont encore des feuilles et des pochettes plastiques ...

Je l'appréhendais, cette rentrée.

Et finalement, ça a été.

Je suis, cette année, professeur principal en 3e, et prof de latin. Je songe à me faire faire des cartes de visite, là. Non parce que prof de latin et prof principal en 3e ça fait hyper sérieux. Je me rends compte que c'est difficile, déjà maintenant, mais je survivrai. Et j'espère même rempiler dans un an !

J'espère aussi garder l'envie durant toute cette année.

Je ne vous avais pas raconté ce "bilan" d'élève de 3e, qui expliquait que pendant le dernier trimestre, l'envie n'y était plus. Et aussi que les professeurs donnaient l'impression de vouloir être ailleurs.

Il me semble évident que les deux informations sont liées et ce sera donc ma résolution pour cette année : rester motivante et encourageante jusqu'au bout du bout de la fin du dernier trimestre.


En attendant, pour commencer cette année, j'ai cherché des activités pour mener les élèves à se présenter sans passer par la fameuse fiche que je parcours rapidement et que j'oublie au fond d'une pochette ...
Mes cobayes ont été les élèves de 3e. J'ai commencé par une mini-fiche, quand même, pour faire le point sur leurs envies et leurs connaissances  concernant l'orientation. J'ai reporté les résultats dans un tableau, et j'ai jeté les fiches.
Ensuite, je leur ai demandé de rédiger un petit texte pour se présenter. J'ai lu chaque texte sans mentionner le nom de l'auteur, et les autres élèves ont dû deviner de qui il s'agissait.

Je suis assez séduite par cette façon de faire, car elle m'a permis d'évaluer plusieurs choses en peu de temps :
- le niveau d'expression et d'orthographe
- l'humour (certains ont choisi de rédiger un portrait "contraire", se décrivant donc en creux, ou bluffaient en donnant le nom d'un autre camarade lorsque je lisais leur propre texte)
- la personnalité de certains
- l'entente au sein de la classe (en l'occurrence, il y a un groupe qui s'entend bien, mais je vais devoir surveiller les moqueries).

Je recommencerai certainement à l'avenir, car ils ont paru bien accrocher avec cette approche ludique ...

Et c'est donc parti pour une année en leur compagnie, une année de cours, de projets, et, je l'espère, de bonne humeur.

 

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29 juin 2015

Atmosphère, atmosphère ...

En général cette période est plutôt agréable.

Le temps est estival, ça sent bon les vacances et la crème solaire, la pression des notes est retombée, tout le monde est détendu et souriant, les manuels sont rendus, on travaille encore un peu, on regarde des films quand on est un peu fatigué, on range, bref : on est au mois de juin ! Et puis, les élèves ne viennent plus, il reste le brevet à corriger, quelques réunions pour préparer la rentrée, et on est libre.

Oui, oui, je vous entends, vous savez ! Déjà que les profs ne font pas grand chose, en plus il osent dire que l'approche des vacances leur est agréable, on ne s'étonne plus de voir que tout part à vau l'eau ! Ouais, mais 1) Je sais écrire "partir à vau l'eau", et 2), t'es pas content toi, à la veille de tes vacances ?

Bref, dans cette ambiance pré-plage / rosé / churros /  monoï, il y a aussi l'espoir d'une nouvelle année, pleine d'envie, d'élèves idéaux, de cours passionnants, et de projets. Deux mois de liberté nous en séparent, et puis on la prendra à bras le corps cette année, et on en fera un chef d'oeuvre de pédagogie ! On se ressource les pieds dans la piscine, et hop, on reviendra plein d'énergie et de bronzage ...
Bref, vous voyez l'idée ?
Un peu comme l'odeur des nouveaux manuels, ou les fournitures scolaires fraîchement achetées. C'est la promesse de la nouveauté, l'impression que les erreurs ont été effacées, et qu'on pourra tenir toutes ses résolutions cette fois !

Mais que faire, si on appréhende la  rentrée dès le mois de juin ? Si l'ambiance dans l'établissement est si délétère qu'elle contamine déjà l'innocente année nouvelle ? Si on sait que le chef d'établissement, lui-même mécontent d'être là, risque de faire capoter la répartition des élèves, les emplois du temps ... Bref, le cadre de travail ? S'il cherche à remonter les profs les uns contre les autres, à grands coups de non-dits, si bien qu'on est tout le temps en porte-à-faux vis-à-vis de quelqu'un, qu'on marche constamment sur des oeufs ? S'il divise pour mieux régner, et qu'on retrouve les dames de service contre les profs, les profs de maths contre les profs de français ... ? Si du coup, des collègues boycotteront les festivités de fin d'année et qu'on a donc le choix entre la peste (aller au repas de fin d'année et passer pour un traître) et le choléra (ne pas aller au repas de fin d'année et risquer la guerre ouverte avec le chef d'établissement) ?

Cette ambiance nauséabonde se pose comme un brouillard de pollution sur les derniers jours de juin, ça pue les guerres de clans et l'autoritarisme d'un chef qui a peur de perdre pied, qui sent que le climat se dégrade, et qui, d'énervement, prend tout le monde de haut, ça pue l'année scolaire un peu pourrie alors qu'elle germe à peine. Ça pue la rentrée qui ne fait pas envie.
 Pas parce qu'on est des feignasses de profs qui ne veulent pas bosser,
mais parce qu'on est des feignasses de profs qui aimeraient bosser dans de bonnes conditions.

 

2 juin 2015

"C'est par où la sortie ?" - Episode 1 : Mr Balloon navigue à vue

Mr Balloon est mon frère. Il a 28 ans, et il est actuellement sans emploi - si on lui demande son métier, il répond "Technicien informatique système et réseau", si ça vous parle. Il a fait un BEP électrotechnique, et il a commencé un BTS Négociation Relation Client, abandonné au bout de la première année.

Il porte aujourd'hui un regard amer sur son orientation en troisième, synonyme d'exclusion, d'incompréhension, et de gros fouillis.

 

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"J'ai détesté l'école. Le rythme imposé, trop lent ou trop rapide suivant les matières, ne me convenait jamais vraiment et le système de notation m'angoissait : souvent, mes notes étaient en-dessous de la moyenne, en raison de mon manque d'assiduité. Le souvenir qui m'a le plus marqué, en-dehors du string de Nadia, c'est d'aller au tableau, ou d'être obligé de faire un exposé : c'était ma hantise ! Paradoxalement, j'adorais les maths, alors que j'étais parfaitement nul ! La matière que j'aimais le moins était le français, surtout les dictées et les rédactions. Aujourd'hui encore, je ne suis pas sûr de moi. Pourtant, la prof qui m'a le plus marqué, c'est Madame Legade, une  prof de français ! Elle a su me motiver, m'amener à me dépasser, et même me faire apprécier certains cours. Aujourd'hui je me dis que si je l'avais eue en troisième, j'aurais peut-être continué en voie générale, pourquoi pas en ES ...

Je ne sais plus trop ce que je voulais faire quand je serais grand. Je me souviens qu'on m'avait clairement dit que les métiers qui m'intéressaient n'étaient pas pour moi, et que j'étais fait pour une voie professionnelle. Comment les profs me percevaient-ils ? Sans doute comme un rêveur, trop pas intéressé par les cours, trop lent, trop pas à sa place.

Au final, lorsqu'il  fallu choisir, on ne m'a pas trop demandé mon avis. Mes parents ont suivi les conseils de mon professeur principal : j'ai quitté le cursus bilangue français / allemand pour une voie professionnelle. Est-ce que j'avais confiance en ces conseils ? Je ne sais pas trop ... Je me souviens d'un sentiment d'exclusion, j'avais l'impression de ne pas être comme les autres.

Je suis allé passer un test d'orientation qui a révélé que j'étais fait pour l'électrotechnique. Quelle STUPIDE idée ... C'était l'horreur ! Mais je n'avais aucune idée de ce que je voulais ou pouvais faire. J'ai fait des stages qui m'ont montré que le travail sur chantier ne me motivait guère, et ce fut le début du grand n'importe quoi. J'ai enchaîné avec le commerce pour arrêter en cours d'année et me lancer dans la vie active, comme on dit. Je percevais ma scolarité comme une perte de temps. A quoi bon rester si on te dit que tu es nul ? Au bout d'un moment, tu y crois !

Ma situation aujourd'hui, je la qualifierais d'instable. Je n'ai toujours ni carrière, ni but précis. Je ne sais toujours pas ce que je veux faire plus tard.
Je me dis que mon orientation a été bâclée. Ce n'est pas qu'on ne se soit pas donné de mal, mais avec le recul, j'aurais sans doute été plus heureux dans une voie générale (quitte à changer d'école) qui m'aurait laissé la porte ouverte pour trouver un métier qui me passionne. J'aurais aimé qu'on me laisse plus de temps.
A 14 ans, on ne choisit pas vraiment, on écoute souvent ses parents, qui suivent les recommandations des profs. A cet âge-là, tu n'as pas les armes pour te défendre et te faire entendre. Tu n'as pas de voie et pas de voix."

2 juin 2015

Nouvelle série : c'est par où la sortie ?

Tu sais déjà, ami lecteur, que l'orientation de mes élèves me tient à coeur.
A vrai dire, le terme d'orientation me pose question : j'ai l'impression qu'on montre un chemin aux jeunes, plutôt que de les laisser aller, découvrant la voie qui leur conviendra, se trompant peut-être, rebroussant chemin, en prenant des chemins de traverse.

Non, en troisième (voire avant) il faut avoir une idée précise du métier que l'on fera plus tard. Et si on ne correspond pas aux standards, aux attentes, on se voit orienté dans une autre voie, que l'on n'a pas forcément choisie.

Je ne dis pas qu'il faut rester dans une voie générale plus longtemps ; je ne dis pas que le fait de se poser des questions sur son avenir, alors que l'on a 14 ans, est mal.

Je dis, en revanche, qu'il faut apprendre aux élèves qu'une orientation n'est pas définitive, que l'on peut changer d'avis, que l'on peut rejoindre une autre voie.
Je dis aussi que ce n'est pas parce qu'un élève a une moyenne générale catastrophique qu'il ne réussira pas dans la vie, que ce n'est pas parce qu'il ne s'intéresse pas aux translations vectorielles ou aux connecteurs logiques qu'il ne vaut rien en tant que personne et en tant que futur travailleur.

L'idée m'est donc venue d'interroger des personnes qui ont suivi des filières courtes, pour savoir comment elles ont vécu (ou subi) l'orientation.

Je pense - mais ce n'est qu'une idée, et j'ai hâte de découvrir les témoignages de mes cobayes !  - que les orientations sont parfois imposées, dans un monde où on nous répète que nous pouvons faire tous les métiers que nous voulons ! Je pense aussi qu'elles ne sont pas toujours comprises, même plus tard, même avec un regard d'adulte, ce qui infantilise durablement les orientés. Enfin, je pense qu'une orientation bien vécue favorise l'épanouissement professionnel : alors, est-ce qu'on peut s'épanouir professionnellement malgré une orientation ratée ?

Le premier à avoir accepté de répondre n'est autre que mon frère, un garçon drôle, autodidacte, malheureux comme les pierres à l'école, et qui est devenu un grand chercheur ... de voie.

24 mai 2015

Egalité filles / garçon : un interlude musical

Parce que ce clip m'a touchée.
Parce que l'égalité va dans les deux sens.

Parce que c'est assez v
exant pour une fille de voir qu'une robe peut être considérée comme un vêtement ridicule : autrement dit, ce bout d'chiffon c'est bon pour les gonzesses, mais un mec, ça porte des vraies fringues, namého !
Parce que parmi mes élèves, rares sont les filles qui osent porter une robe ou une jupe et que cela m'interroge.
Parce qu'un jour, dans un autre collège, un élève m'a demandé si j'allais venir tous les jours en jupe.
Parce que la chanson est bonne, que le garçon joue bien, que la mère me touche, que le papa ressemble à Sheldon dans
Big Bang Theory et que je me demande comment je réagirais à la place de la prof.

 

 


 

24 mai 2015

Fais pas genre ! La morphologie féminine et les métiers

Je suis féministe.

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Voilà, c'est dit. Je suis profondément pour l'égalité entre femmes et hommes, et entre hommes et femmes aussi.

Pourtant, mes poils se hérissent lorsque je lis certains néologismes féminins : "écrivaine", "professeure" ...  

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C'est un débat qui peut sembler anecdotique mais qui prend énormément de place dans mon quotidien. Alors, à la demande d'un ami, j'ai décidé de synthétiser mes pensées à ce sujet : tous les mots ne doivent pas être féminisés.

Dites que je suis réac', mais ces fantaisies orthographiques et grammaticales me donnent envie de dégainer mon stylo rouge. Evidemment, il faut féminiser TOUS les corps de métiers, comme il faudrait en masculiniser certains. Encore que je sois réticente face aux listes de vote paritaires - je vote pour une personne compétente, pas pour une personne portant un pénis ou un utérus. Mais là, je m'éloigne du sujet  : il ne sera ici question que de langue, et pourquoi il ne me semble pas gênant de m'adresser à une femme en disant "madame le procureur", et pourquoi je suis femme et aussi "professeur de lettres".

 

Des femmes qui sont des objets et des hommes qui (ne) sont personne(s)

 

Un livre offert à Zazie m'a ouvert les yeux : il s'agit d'un joli imagier plein d'humour, qui montre les différences entre mots masculins et mots féminins : une "marmotte" n'est pas l'équivalent féminin d'un "marmot", une "chevalière" n'est pas une femme "chevalier" ... Eh oui, le français est complexe. Et puis, j'ai regardé de plus près : les mots féminins, dans ce livre, désignent tous des animaux ou des objets ; les mots masculins, des hommes. C'est précisément l'injustice sémantique dénoncée par ce livre, et j'avoue en avoir été choquée, voire même partiellement convaincue. Encore que certains exemples aient été quelque peu malhonnêtes : ainsi, lorsqu'on me parle d'une jardinière, selon le contexte, je pense soit à un plat, soit à un pot de fleurs, soit à une femme-jardinier. Quant au chevalier, qui est quand même un combattant plutôt médiéval, je ne vois pas pourquoi on lui aurait attribué un féminin, puisque cela ne correspondait simplement pas à la réalité. Autant intenter un procès à cette langue latine qui ne prévoit pas de mot pour dire "téléphone" ou "ordinateur" ! (Najat, c'est donc pour ça ???? Ok, je m'éloigne encore du sujet.)  Cette réalité m'empêche donc d'être une "chevalière servante", mais pas de dormir.

 

De la gourmandise féminine et de la neutralité masculine

En parlant d'histoire, qui peut me rappeler d'où vient le français ? Oui, là-bas au fond, Joséphine, au lieu de parler avec sa voisine ? Voilà, du LATIN ! Avec quelques mots d'un peu partout, mais surtout du latin. Et quelle est LA grande différence entre le français et le latin ? (Je frémis à l'idée que dans quelques années plus personne ne saura répondre à cette question , Najat, s'il te plaît quoi !)  Le neutre ! Absolument ! En latin, il existe, comme en français, des mots masculins et des mots féminins, mais en plus, cette langue comporte un ensemble de mots neutres. Lorsque ce nouveau dialecte a émergé, le neutre a progressivement disparu. Il a été absorbé par le féminin et le masculin. Il me semble avoir entendu quelque part qu'ils seraient devenus majoritairement féminins parce que "les femmes sont gourmandes et ont mangé le neutre". Je n'en trouve pas de preuve, là maintenant tout de suite. En revanche, le masculin a absorbé la valeur non marquée du neutre : il est, selon le contexte, masculin, neutre, ou collectif. Qui n'a jamais entendu la règle de l'accord du pluriel au masculin formulée ainsi : "c'est le masculin qui l'emporte" ? Voire même - et là, c'est gênant : "c'est le garçon qui gagne" ? Ainsi, tout le monde sait que "Léon et Charlotte sont petits", et que "Roméo et Juliette sont amoureux". Dire que l'adjectif est au masculin est une erreur d'analyse - ou du moins, une analyse simplifiée. Puisqu'on ne s'est pas donné la peine d'inventer un accord à la fois féminin et masculin, et donc ni l'un ni l'autre, il a bien fallu que l'un des deux s'y colle. Bon, bah c'est tombé sur le masculin ! On a donc pris la forme masculine, on l'a vidée de ses attributs masculins (de ses sèmes, oui d'accord), et on y a fourré ... la neutralité. Pauvre masculin, vidé de son sens premier ... Soudain, le sexisme prend un nouveau sens : les représentants de la gente masculine, enragés d'être ainsi privé de leurs couilles grammaticales, se sont vengés sur celles qui gardaient leurs attributs féminins intacts ! Non, sérieusement. L'Académie française formule ça quand même vachement mieux que moi :

« En français, la marque du féminin ne sert qu’accessoirement à rendre la distinction entre mâle et femelle. La distribution des substantifs en deux genres institue, dans la totalité du lexique, un principe de classification, permettant éventuellement de distinguer des homonymes, de souligner des orthographes différentes, de classer des suffixes, d’indiquer des grandeurs relatives, des rapports de dérivation, et favorisant, par le jeu de l’accord des adjectifs, la variété des constructions nominales... Tous ces emplois du genre grammatical constituent un réseau complexe où la désignation contrastée des sexes ne joue qu’un rôle mineur. Des changements, faits de propos délibéré dans un secteur, peuvent avoir sur les autres des répercussions insoupçonnées. » (Va donc voir par là !)

Alors, un ramassis de gros machos, les messieurs de l'Académie ? C'est vrai que la parité ne les étouffe pas, mais Simone Veil, par exemple, ne me semble être ni un homme sexiste, ni une femme opprimée.

 

Des mots qui ont une histoire

Voici que l'on me donne à lire un article de Marie Darieussecq dans Libé (si ça t'intéresse, clique donc par ici !). Elle explique que l'état des choses est tout simplement scandaleux, qu'il faut dire écrivaine, auteure, et qu'il y a toujours eu des noms de métier au féminin. Même au Moyen Age. Bim ! Prends ça, l'Académie Française ! L'histoire de l'accord au pseudo-masculin, c'est une règle plutôt arbitraire du XVIIème siècle, puisque les accords de proximité étaient tolérés avant, c'est à dire des accords avec le mot le plus proche, comme en témoigne le vers de Racine : "Ces trois jours et ces trois nuits entières". Bon, c'est vrai - il n'empêche que ça fait bizarre de dire "Léon et Charlotte sont petite", non ? Notre langue a perdu en souplesse et gagné en règles de grammaire. Le coup de l'accord au masculin a l'avantage d'être simple et sans exception, quand même ! Alors, revenons-en aux noms de métier : on trouverait au Moyen Age des "brasseuses", des "mairesses", des "maréchales". Bien. Je ne vois pas trop le problème : je connais des "techniciennes", des "ouvrières", des "couturières", des "cuisinières", des "bloggeuses", des "maîtresses", des "banquières". Je continue ? Des "mairesses" je n'en connais pas, c'est vrai. Des "maires" oui ; mais ici, comme pour "ministre", le e final permet de classer le mot au choix dans la catégorie des masculins ou dans celle des féminins. Quant aux mots en -eure, puisque Madame Darieussecq s'en réfère à l'histoire des mots et à leur évolution, je cite encore une fois l'académie française : "les seuls féminins français en -eure (prieure, supérieure...) sont ceux qui proviennent de comparatifs latins en -or."  En termes plus simples : t'étais pas un comparatif en -or, tu t'écris pas -eure ! Et puis si on avait gardé toutes les formes du français médiéval, on en serait encore à employer indiféremment "penser", "panser" et "peser" - bien sûr, il est intéressant de savoir que ces trois mots ont un ancêtre commun, mais il ont quand même connu une évolution différente ! 

 

Des mots qui sont un peu jolis

Bon, cet argument-là ne va pas convaincre tout le monde, je m'en doute. Mais lorsque je lis "procureuse", "auteure", autrice", cela me choque. Je ne trouve pas ça beau. Que dire d'"écrivaine" ! Je n'en retiens que la dernière syllabe, qui se trouve être la syllabe accentuée en français : "vaine" ... Tu parles d'une avancée féministe ... Et je me rends compte que ce jugement là est tout à fait personnel mais je trouve que dire "la prof", c'est tout à fait bien ; "la professeur", c'est bizarre" ; "madame le professeur", ça a d'la gueule. Pourquoi ? Parce que le masculin donne plus de tenue, qu'il est employé avec davantage de respect ? Non : parce qu'il me place à distance de moi-même. Un privilège réservé aux femmes, donc !

 

De la revendication inégalitaire de l'égalité

Je le disais tout à l'heure, je suis pour l'égalité entre les hommes et les femmes (et même ceux entre les deux !). Or, l'égalité, cela va dans les deux sens. Je trouve à pleurer qu'il soit  généralement plus facile, aujourd'hui, pour une fille, de devenir mécanicienne (pas facile au quotidien peut-être, mais il lui reste la carte du sexisme qui peut l'aider) que pour un garçon de devenir éducateur de jeunes enfants - selon le milieu social, le regard de ses copains sera insoutenable. C'est déplorable et c'est humiliant pour les filles et c'est inégalitaire pour les garçons. Bon. Mais, mesdames qui revendiquez le féminin de tous les noms de métiers, pourquoi ne revendiquez-vous pas que l'on dise "sage-homme" ? Pourquoi n'exigez-vous pas que l'on dise "UN victime" ? Pourquoi n'inventez-vous pas un masculin pour "connaissance", et tant qu'on y est, pour "personne" ?

 

Un mot est un mot est un mot est un mot ...

 

Les mots ont un sens, c'est entendu ; on les choisit à dessein. Il ne faut cependant pas confondre le mot, le signifiant, et son référent dans le monde réel. Le mot "boulangère" ne me vend pas ma baguette ; la femme boulangère, oui. Ce n'est donc pas parce que l'on admet dans le dictionnaire la forme "procureure" qu'il y aura davantage de femmes à exercer ce métier. Alors je m'interroge : si demain, on changeait ces règles jugées sexistes, on trouverait sans doute cette avancée admirable : quel beau combat de gagné. Une collègue m'a dit, l'autre jour : un os à ronger pour les féministes. Pendant ce temps-là, oublions donc les viols, les violences. Oublions que le droit à l'avortement est en danger. Oublions que l'immense majorité des femmes n'est pas suffisamment renseignée sur les moyens de contraception qui s'offrent à elles. Oublions l'inégalité des salaires à travail égal ! Oublions la précarité qui touche les mères isolées ! Ils sont là, les véritables enjeux ! Et s'il faut bien des mots pour les faire valoir, qu'importe s'ils sont prononcés par un orateur, une orateuse, une oratrice ? Ne serait-il pas temps, enfin, de considérer les personnes comme telles ? De considérer que quelqu'un est compétent, qu'il a de bonnes idées (il est ici un pronom neutre), peu importe s'il fait pipi debout ou assis, peu importe s'il a un pénis ou un vagin, peu importe s'il a besoin d'une protection périodique ou s'il se préoccupe de l'éradication des poils de son visage ou de ses jambes !


Je suis professeur. Si tu veux dire que tu es professeure, je ne t'en empêche pas, à la rigueur. Ou à la rigueure.  Je ne te dirai pas que je trouve ça un peu étrange. Mais je te dirai certainement que je trouve bizarre que tu préfères t'attacher à inventer des néologismes dont la langue française n'a pas besoin, plutôt qu'à changer en profondeur une société qui est persuadée de ne plus avoir besoin de féminisme car les injustices y sont autrement plus incrustées que dans le dictionnaire.

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Journal d'une agrégative
  • Après 5 années, je peux enfin me présenter à l'agrégation interne. C'est parti pour quelques mois de lecture intense, de dissertations, de didactique ... Tout ça avec deux enfants à la maison. google3c5a1e83a6320d52.html Même pas peur.
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