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Journal d'une agrégative
27 juin 2014

Il faut savoir les tenir ...

Ou plutôt les contenir...

Aujourd'hui je réfléchis à l'autorité. Je vous l'ai déjà dit : la maternité a changé ma pratique professionnelle. Je ne dis pas que j'ai arrêté de crier et de punir. Mais, à la maison comme au collège, je recherche la bienveillance. Je veux privilégier l'encouragement plutôt que la sanction, et je voudrais appliquer la discipline positive plutôt que de me faire craindre.

Aujourd'hui, je veux me pencher sur la présence de l'adulte.

Mon fils ne fait pas ses nuits. Il n'a que deux mois et demi, et je ne suis pas encore inquiète, mais je rêve d'une vraie nuit. Par contre, je constate aussi qu'il est incapable de dormir ailleurs que collé à moi. Sur moi, dans mes bras, dans l'écharpe de portage: pas de problème, il écrase pendant des heures. Dans son couffin ou dans le transat : au bout de 30 minutes montre en main, il se réveille.
D'aucuns diront qu'il faut l'habituer, le laisser pleurer.
Pas moi. Je ne peux pas. Un bébé en naissant n'est pas fini. Il ne comprend pas qu'il est seul dans ce corps dont il ne sent pas les limites, et a besoin de la présence de sa maman ou d'un adulte qui l'apaise.
L'autre soir, j'ai tenté d'accompagner son endormissement. Je l'ai posé dans son couffin, j'ai posé la main sur son ventre, je lui ai donné mon petit doigt à téter. Eh oui il refuse la tétine.
Qu'ai-je observé?
Il se débattait. Dès qu'il s'endormait, un sursaut le réveillait, il battait des bras et ouvrait les yeux. C'est le réflexe de Moro.
C'est alors que l'illumination m'est venue : la différence entre le couffin et les bras ou l'écharpe, c'est que dans le couffin il ne sent pas son corps. Il n'est pas contenu. J'ai alors essayé l'emmaillotage. Le bébé est enveloppé dans un lange, les bras le long du corps. Les jambes sont peu ou pas entravées. Le lange n'est pas serré à outrance mais permet de limiter les mouvements, un peu comme dans l'utérus. Ce n'est pas une panacée. Gargantua n'a pas fait sa nuit, mais il a bien dormi dans son couffin pour 2, 3 heures d'affilée.

Chez les plus grands bambins, le fait d'être contenu est important aussi. Quand je suis moi-même calme et disponible, j'aime confronter colères et bêtises de ma fille en la prenant dans les bras. D'abord, ça la calme et on peut discuter après. Ensuite parce qu'elle sent alors une limite à son corps en désordre. En effet, un enfant qui pique une crise sent un désordre incommensurable dans son corps. Pour se calmer, il crie, tape, est excité.
Prendre un enfant dans ses bras n'est pas forcément le récompenser. Quand on y pense : il faudrait faire un câlin à l'enfant sage et en priver celui qui l'est moins ? Quel message cela fait-il passer ? Je ne t'aime que lorsque tu réponds à mes attentes ?
Évidemment il m'arrive aussi de dire à ma fille qu'il me faut un break, que je ne suis pas contente de son comportement, et je reviens après.
Toujours est-il que de prendre l'enfant dans ses bras, tout en formulant ce qui se passe, cela aide à calmer le jeu : "tu es fâchée / déçue parce que ceci et cela ..." Cela montre que l'enfant est compris et aimé, il peut donc entendre les remarques de l'adulte.

Tout cela est glané dans les livres d'Isabelle Filliozat, et appliqué de manière empirique. Je ne suis pas experte en développement infantile. Je ne sais pas quand cela change, mais je sais que quand moi-même j'ai envie de crier et de m'énerver, la présence de monsieur mon Amoureux est bénéfique.

Venons-en aux ados : évidemment il n'est pas question de leur faire un gros câlin !
Cependant, ils ne savent souvent pas exprimer leurs sentiments, qui sont très violents. Les sentiments créent des sensations, le corps se tend, et cela engendre violences et cris.
L'adulte ne pourrait-il pas plutôt reformuler ce qui se passe ? "Machin a dit ceci ou cela, cela vous a mis en colère." On met ensuite en avant ce qui ne va pas : "mais vous ne pouvez pas proférer des insultes / réagir violemment. Comment machin va-t-il réagir en retour? Est-ce que cela n'engendre pas encore plus de violence ? Que pouvons-nous faire pour que ça aille mieux?"
À mon sens il est important de faire réfléchir, se faire formuler les choses à l'élève à son tour.

Comme l'emmaillotage cela n'est pas une panacée. Ça marche, parfois. Et parfois ça tombe à plat. Mais cela permet de rester plus calme et de ne pas se mettre à crier, à s'épuiser. Mieux : l'adolescent sent que l'on n'est pas dans le jugement. Et comment pourrait-on le juger après tout ?

Allons plus loin : on a vu qu'encadrer la formulation des événements peut aider à résoudre calmement - ou avec moins de cris- le conflit.

Mais les élèves n'attendent-ils pas que l'on réagisse plus fort ? "Ah ils me cherchent !" - "les 3ème2 sont insupportables, ils n'acceptent aucune autorité" - "les 6e4 n'écoutent rien, je dois m'égosiller à chaque cours" - ou bien côté élève : "si vous n'êtes pas capable de vous faire respecter c'est pas mon problème !"
Tout se passe comme si les élèves cherchaient à se frotter à nos limites. Comme s'ils cherchaient à nous faire sortir de nos gonds pour se fracasser contre l'autorité, à quoi ils sont ensuite capables de répondre : "mais pourquoi vous criez?" - "hein? Mais nan c'est pas juste !"

Ils ont en effet besoin d'être contenus, de sentir des limites qui les rassurent. Tout comme le bébé a besoin de sentir son corps dont il n'a pas encore l'habitude, les adolescents ont besoin de sentir leur liberté, leurs droits et leurs devoirs. L'autre jour, dans le bus, j'ai vu une jeune fille super énervée, se calmer en quelques secondes par les paroles d'une dame, qui est allée jusqu'à lui caresser le bras.
Nos élèves sont contenus de fait dans les salles de classe. Cessons de les considérer comme des prisons mais voyons-les comme des cocons. Je rêve d'avoir un jour une salle à moi pour en faire un lieu agréable, agencé comme je le souhaite, qui sente bon...
Mais encore faudrait-il envisager de se montrer contenant pour les adolescents en face de nous. En étant juste dans les remarques et les punitions, en accompagnant leurs états d'âme, en prenant le temps. On ne peut pas laisser tout passer (sinon, il n'y a pas de limite, et les élèves ne sentiraient pas leur évolution), mais il faut imposer les règles avec bienveillance et respect. Bannissons les "vous êtes insupportables", mais aussi les "ILS ne travaillent pas" et autres jugements hâtifs. Je cherche désormais à régler mes conflits avec les élèves directement. "J'ai du mal à supporter votre comportement" ai-je dit à une classe de 3ème particulièrement agitée. "Je ne peux pas vous porter tous. Je suis fatiguée par votre attitude. Vous parlez entre vous, ne travaillez pas, et empêcher ceux de vos camarades qui le souhaiteraient, de travailler. Vous m'empêchez, moi, de travailler. Le brevet est à la fin de l'année. Dites-moi : qu'attendez-vous de moi?"
Nous avons discuté. Nous avons perdu une heure. Mais nous avons pu travailler durant les cours suivants !
Je ne suis pas un exemple. Les élèves ont retrouvé leur comportement désagréable, il m'est arrivé de crier, de m'épuiser. De punir, de virer des élèves de cours. D'être désagréable. Mais je ne veux plus. Je veux régler les choses en parlant et en responsabilisant.
Il faut que je travaille sur moi, il faut que je devienne patiente. Il faut que je sois exigeante, en ce sens qu'il faut exiger des élèves qu'ils respectent leur parole. Je ne veux plus crier et plus punir.
Non, je ne vis pas chez les bisounours. Je crois tout simplement que les élèves ont des capacités que nous sous estimons.
Je veux leur faire confiance !

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Commentaires
Journal d'une agrégative
  • Après 5 années, je peux enfin me présenter à l'agrégation interne. C'est parti pour quelques mois de lecture intense, de dissertations, de didactique ... Tout ça avec deux enfants à la maison. google3c5a1e83a6320d52.html Même pas peur.
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